En coulisses à l’Opéra de Bordeaux

par Yohan Terraza
AUX ORIGINES
Une invitation à pouvoir comprendre ce qu’est la danse depuis son centre névralgique, depuis sa singularité ; comprendre et photographier la danse entre les lignes. Une chose que l’on ne refuse pas. C’est ce travail, l’Hybride, qui a été réalisé pendant cinq mois avec le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux.
L’avantage de mettre un pied dans un milieu criant et nourrissant des préjugés malgré lui c’est qu’on a la chance de savoir si on sera capable d’y laisser une partie de soi. Alors j’y ai mis un pied, puis les deux, puis une main, puis la tête et finalement le cœur.
N’exagérons rien, je ne suis pas différent maintenant et bridé d’un parti pris de défense aveugle envers un milieu qui n’a pas besoin de moi, mais je l’ai compris à ce moment là. Je l’ai compris parce que si ce sont bien des danseurs que j’ai vu au départ, ce sont des êtres humains que j’ai vu par la suite. Il était alors plus facile d’y voir une prose, une petite poésie provinciale qui me rappelait soudain qu’ils avaient les mêmes questions que moi ou le boulanger du coin de la rue.
Un désenchantement salutaire et bienveillant.
L' INTIME DE LA DANSE
La danse n’apporte pas tout, la danse n’est pas tout mais elle est bien le centre d’un cocon familial brassant les identités comme des différences d’âges entre enfants nés de parents en constant voyage.
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Ce monde est minuté, dirigé et entre toutes ces mécaniques d’horloger suisse il y a autre chose et le chorégraphe le sait bien. On ne peut mettre en retrait l’émotion, la fatigue ou le fou-rire. Tout ça a été le départ d’un reportage qui s’est par la suite transformé en une sorte de peinture d’effervescence. A chacun de lire son rôle différemment.
Et puis il y a eu ce jour où le palier était franchi. La photo devenait abstraite parce que je lisais entre les lignes ou plutôt, ils me permettaient de le faire. Pour certains, ma présence les a eu à l’usure ! Capitulation d’une défense compréhensible mais inutile, j’avais quelque part gagné la confiance de ma présence.
Quand on ne parle plus de danse, on le sait.
Je savais également que la fin serait difficile mais ça n’était pas encore le cas. La fin d’année approchant, on sent leur fatigue mais leur joie aussi. Ils savent faire et penser autre chose. On ne peut s’empêcher d’être reconnaissant d’être inclus dans un groupe qui ne vous doit rien et qui pourtant vous permet d’être à votre manière. Quand ils comprennent qu’ils n’ont aucun rôle à jouer ci ce n’est le leur, la fausse problématique de la pudeur disparaît.
GALERIE 1
MAGIE DES VISAGES
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Des visages ont émergé de cette dame que l’on nomme Ballet. L’inspiration en rapport à sa sensibilité personnelle influe inévitablement sur certains choix photographiques mais pas sur les situations. Si certaines personnes sont plus présentes que d’autres sur mes photos, ça n’est pas par favoritisme mais par compréhension.
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Photographier encore et encore la même personne nous amène invariablement à la croisée de deux chemins : lassitude ou remise en question. […]
Il y a parfois cette frustration de ne pas danser, d’attendre son tour, d’attendre de pouvoir parler avec son corps ou danser avec ses mots, je ne sais plus très bien… Tout ça est à la fois confus et limpide.
Il est intéressant de savoir qu’un rôle est avant tout attribué, ce qui signifie que l’on n’y trouve pas forcément son compte à première vue, mais « même dans un rôle qui ne te plait pas tu y trouves autre chose pour te faire plaisir ».
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La magie ne se touche pas et ici comme ailleurs, il n’y a pas de « truc », simplement l’aura bienfaisante du temps et de l’espace au parfum de mouvement perpétuel.
Le ballet est une dame dont j’ai mis 5 mois à faire le portrait et s’il est bien une chose que je retiendrai, c’est qu’un danseur, ça n’existe pas ; du moins je n’en ai pas vu. Ce que j’ai vu, ce sont des êtres humains qui peignent, dans une chute faite de chair et d’âme, leurs propres existences avec suffisamment de générosité pour ne pas le faire les pieds sur terre.
GALERIE 2
YOHAN TERRAZA
Du haut d’une montagne, sur les plateaux norvégiens battus par les vents ou bien lors de l’effervescence d’un mariage, la manière reste la même : la suggestion et le passionnel.
Pourtant, je ne suis pas un passionné de photographie ; je suis passionné de ce qu’elle me fait vivre. J’aime le froid, le silence, la montagne et les spectacles naturels. J’aime partager et j’ai besoin de le faire. J’aime photographier le Mariage ou prendre le temps de faire un portrait. J’aime me perdre en pleine nature pour tenter de lui rendre hommage, j’aime la nuit et les étoiles qui ne s’en privent pas pour parader. J’aime jouer des solos de guitare depuis que j’ai 15 ans. J’aime écrire des récits et des poèmes, et j’aime les chats. J’adore les films qui parlent de cheminement personnel sans vous écraser d’une morale aseptisée de généralisme.
Poser un regard de contemplation naturelle sur la danse a été une chance dont je suis bien conscient aujourd’hui.
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