Séga et Maloya, danses de La Réunion : entretien avec Bernadette Ladauge

par Jérôme Brabant
Jérôme et Bernadette
Jérôme Brabant a rencontré Bernadette Ladauge, grande figure de l’île, historienne du séga et du maloya. Elle lui a livré quelques réflexions sur les deux danses qui forment l’identité musicale et chorégraphique de la Réunion. Vous retrouverez la retranscription résumée de cet entretien dans le dossier « La Réunion de toutes les danses » de BALLROOM#7.
"Folklore" et identité réunionnaise
Née en 1941 à Saint-Denis de la Réunion, Bernadette Ladauge compte parmi ses ancêtres Pierre Legras, qui fut condamné à la prison pour avoir défendu des thèses abolitionnistes et républicaines dans le journal Le Cri Public. D’abord infirmière puis institutrice, elle crée à Saint-Denis le Centre d’Instruction Générale et d’Enseignement Technique (CIGET) qui s’occupait des jeunes que l’Education nationale destinait à la vie active (1967-1984). Elle intègre en 1964 le Groupe Folklorique de la Réunion, créé à l’initiative de Vonnette Manès et Fatou Payet et en prend la direction en 1966. Elle enseigne aujourd’hui le séga et le maloya au CRR de danse de Saint-Denis.
Bibliographie :
Un siècle de musiques réunionnaises (2004). Editions Hi-Land
Séga Maloya (2005). Editions Hi-Land
Séga et maloya
SÉGA
Cette forme de danse porte le même nom dans les 3 Mascareignes (la Réunion, Maurice, Seychelles). Il est d’origine africaine : « tshega ! » est un cri d’encouragement. On situe sa naissance au début du 18e siècle.
Autour des feux des camps d’esclaves dans les propriétés agricoles, il est alors décrit comme « expression d’un désir brutal et violent ». La musique et la danse, transmises oralement, furent régulièrement renouvelées au
cours du temps avec les diverses influences africaines, comoriennes, ou encore indiennes. Le milieu du 19e siècle verra le développement du séga créole avec l’introduction d’instruments de musique mélodiques.
MALOYA
Le nom est d’origine malgache : « maloy aho », je vide mon sac, je soulage mon coeur. Pratiqué de façon plutôt familiale et intime dans les propriétés sucrières, ce « chant triste des noirs au son du bobre madécasse » (Lescouble) est peu documenté au 19e siècle. Ce n’est qu’au début du 20e siècle qu’il acquiert notoriété et reconnaissance.
Récupéré dans les années 60 par le Parti Communiste Réunionnais, il est utilisé alors comme signal d’appel, couverture et bouclier de réunions politiques, souvent réprimées durement d’où la légende d’un « maloya
interdit ». On en distingue divers types selon les circonstances de sa pratique : maloya cultuel, maloya du kabary (palabres, revendication, plainte et complainte …), maloya festif.